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Les zones humides
 

LE MARAIS DE L'ÉCOULAND

Ancien lac qu'un entonnoir pouvait vider.

Ancien français :

  • "escoulant", adjectif, qui coule, qui glisse.
  • "escouler", verbe, faire couler d'un endroit dans un autre; couler hors de quelque endroit

Dans la partie "Détails géographiques" de son plan de la commune de Frasne, Emile Gachod rapporte qu'en 1891 "on y remarque encore le marais de l'Ecoulan jadis un lac, aujourd'hui recouvert d'une croûte d'herbe marécageuse dont la profondeur est très grande". Cinquante ans plus tôt, l'historien Bourgon notait l'importance de la zone humide autour de Frasne et citait notamment le "Lac de l'Ecoulant".

Avant qu'il ne devienne un marais, l'Ecouland était donc un lac dans lequel devait se refléter le clocher de l'ancienne église de Frasne (emplacement de l'actuel cimetière). A l'instar du lac de Bouverans, appelé parfois l'Entonnoir et distant de quelque quatre kilomètres à vol d'oiseau, l'Ecouland, qui s'étalait dans une petite cuvette, pouvait se vider dans un entonnoir naturel en communication avec le réseau souterrain des eaux. Cet entonnoir était appelé "ambouceur" en 1509 ou encore "gouffre" en 1687. Le lac de l'Ecouland était alimenté par un petit ruisseau ("degoust des Escoulans" en 1509 ou "roye de Lécoulant" en 1717) formé par les eaux du plateau supérieur où est bâti le village.
Vidé de son eau par l'entonnoir, le lac, dans lequel se déversaient également les détritus et l'eau sale du Quartier de la Vieille Église, est devenu un marais dont la végétation est composée de laîches, joncs, etc.

LE MOULIN DE L'ÉCOULAND

De précieux renseignements sur l'Ecouland sont fournis par le Rentier de la Seigneurie de la Rivière. Ils portent notamment sur la place de ce lac au sein de la communauté villageoise. Le 20 mai 1539, Antoine Monnier reconnaît qu'il doit six sols estevenants de cens annuel à René de Chalon, seigneur de la Rivière, à cause de "l' édifice faict sur les communaulx dud. Fraigne en une place y estant dessoubz l'église dud. lieu où il a faict une forge à battre fert ensemble d'une meule à mosler, en prenant pour ce faire le decourt d'eault Lescoulant dud. Fraigne". L'autorisation de construire cet édifice avait été accordé à Claude Monnier, père d'Antoine Monnier, par Philiberte de Luxembourg, princesse d'Orange, mère et tutrice de Philibert de Chalon. La lettre de consentement, donnée à Nozeroy le 30 janvier 1509, accordait à Claude Monnier et à ses héritiers "une place ensemble le degost d'eau y estant dessoubz l'église parrochial dud. Fraigne nommé et appellé le degoust des Escoulans tirant droit contre Bouverans selon qu'il s'estang de long jusques à l'ambouceur plus bas où se pard lad. eau, laquelle eau icelluy Claude et sesd. hoirs pourront tenir de l'aultheur qu'elle souloit estre pour en icelle place et de la largeur que y sera nécessaire faire et édiffier une forge et meule à batre et moule tous ferremans et en user et faire comme de sa chose moyennant et parmi ce que led. Claude Monnier et sesd. hoirs ne pourront en quelque temps que se soit laisser l'eau dud. degout et ne faire aultre chose esd. forge et mosle qui soit préjudiciable au temps advenir à la pesche dud. Escollant et de l'eau dud. degoust y estant".

Pourtant cette forge et cette meule ne fonctionnèrent pas longtemps, soit parce que cette installation ne répondit pas à l'attente de ses constructeurs, soit parce que les Monnier étant décédés, personne ne reprit cette activité. En tout cas, en 1584, Jean Junet, receveur de la Seigneurie de la Rivière, ne trouva "aulcung enseignement" à ce sujet. De même en 1621, Jean Chouffe, qui occupait la même fonction que Jean Junet, demanda à être déchargé de la somme de quatre gros "qu'il a aussy rapporter sur les Monnier de Frasne pour l'accenssissement d'ung martenet (martinet) pour ce qu'il n'en a receu aulcune chose et qu'aud. Frasne n'y a aulcung desd. Monnier, ny martenet".

A ce propos, Georges Bouveret, un ancien habitant de Frasne, aujourd'hui décédé, disait avoir entendu les anciens du village parler d'un moulin construit environ cent mètres avant l'entonnoir de l'Ecouland. Ce moulin, qui portait le nom de Moulin de l'Epinette, possédait un marteau pour battre le fer. Cette description correspond curieusement à ce qu'en 1891 Emile Gachod appelait l'entonnoir du Martinet des Grands Quartiers. On y retrouve en effet les mêmes éléments (entonnoir et moulin), aussi il est fort probable qu'il s'agissait du même moulin ou martinet. Etait-ce le martinet des Monnier ? La question reste posée.

LA PÊCHE DE L'ÉCOULAND

En plus de cette petite industrie installée par les Monnier, la pêche était également autorisée à l'Ecouland moyennant un cens. En 1509, la pêche de l'Ecouland avait été louée à Guillaume du Pont, de la Rivière. En 1532, elle est amodiée pour neuf ans à Guillaume Marescot, de Frasne, pour la somme de 12 gros par an. Au terme des neuf années, ce bail lui est renouvelé pour douze ans. En 1584, Alexandre Cécile paye neuf gros au receveur de la Seigneurie de la Rivière pour l'amodiation de la pêche qui lui avait été laissée pour six ans. En 1621, c'est Guillaume Quetaud, chirurgien, qui verse la somme de trente sols estevenants. Ces deux dernières amodiations sont consignées dans les registres des comptes de la Seigneurie de la Rivière car l'Ecouland appartenait aux Chalon qui amodiaient souvent leurs possessions aux plus offrants. Le nom des amodiataires n'est pas surprenant puisque les Cécile, Marescot et Quetaud étaient de riches familles roturières ou anoblies.

LA DISPARITION DU LAC

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle; le lac et sa pêche ne sont plus que des souvenirs puisque, d'après le dénombrement de la Seigneurie de la Rivière fait en 1687, l'Ecouland est un "gouffre".
Au début du XXe siècle, le marais de l'Ecouland aura une autre destination puisque son eau sera pompée afin d'alimenter les locomotives servant à la construction de la ligne de chemin de fer Frasne-Vallorbe.

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