Cessay,
une ancienne grange médiévale
Cessay,
l'auberge de Cessay, la ferme de Cessay, l'Espace Cessay... les appellations
varient et pourtant toutes désignent l'ancienne Grange médiévale
de Cessay.
Si aujourd'hui, dans son agréable cadre de forêt et de
verdure, elle est assez éloignée de la route départementale
qui relie Champagnole à Pontarlier, la Grange de Cessay était
située jadis en bordure de l'axe qui conduisait de l'abbaye de
Mont-Sainte-Marie à Salins.
Cette fameuse abbaye du bout du lac Saint-Point, rasée à
la fin du 18e siècle à la faveur de la Révolution
française, a joué, dès le 12e siècle, un
rôle prépondérant dans la naissance du Haut-Doubs,
au même titre que les Maisons de Joux, de Salins et de Chalon.
On ignore toujours comment et à quelle date exacte l'abbaye a
acquis les terres de Cessay ; mais la citation du nom de Cessay en 1200
dans la charte d'Amédée, archevêque de Besançon
(pour reconnaître officiellement l'abbaye de Mont-Sainte-Marie
et confirmer les donations antérieures des sires de Joux et de
Salins) suffit à attester l'existence de cette grange avant 1200.
L'abbaye possédait aussi d'autres terres, par exemple dans le
Val d'Usiers. La Grange de Cessay fournissait des denrées agricoles
nécessaires à la survie et au développement de
la jeune abbaye. La donation de Cessay à l'abbaye avant 1200
confirmerait donc que les terres de Cessay étaient déjà
en partie défrichées, cultivées et productrices,
ce qui attesterait de l'ancienneté de l'existence des terres,
des bâtiments et de leur occupation par un groupe d'individus
; ceci n'a rien d'étonnant puisque l'on sait que cette région
de la Chaux d'Arlier a été occupée, de façon
nomade ou sédentaire, dès 5000 ans avant J.-C.
Qu'est-ce
qu'une grange ?
C'est,
au départ et dans le vocabulaire cistercien, un simple bâtiment
de ferme destiné à stocker les récoltes; puis,
dès 1119, le mot désigne une unité locale d'exploitation,
polyvalente dans ses vocations agricoles.
Leur implantation obéissait à certaines règles
: elles devaient être situées à moins d'une journée
de marche de l'abbaye dont elles dépendaient et être éloignées
d'au moins deux lieues les unes des autres afin d'éviter les
conflits de pâturage. Elles étaient spécialisées
dans une production.
Et la Grange de Cessay ?
La
Grange de Cessay était une grange pastorale avec au début
un important élevage d'ovins.
Une visite faite en juin 1699 constate qu'à Cessay " il
y a une chapelle et quattre corps de bastiment avec le fourg séparé
". Le plus grand de ces bâtiments est composé de deux
granges avec les écuries nécessaires.
Un plan de 1681, conservé aux Archives Départementales
du Doubs, montre les bâtiments de Cessay, dont un est surmonté
d'une croix: il s'agit de la chapelle qui se dresse encore aujourd'hui
à Cessay. Cette chapelle a donc probablement été
construite après la guerre de Dix Ans (1635-1644) ou pendant
les ravages de la peste puisqu'elle était dédiée
à Saint Roch que les pestiférés imploraient pour
leur guérison.
L'exploitation du domaine de Cessay
Pour défricher
le Haut-Doubs l'abbaye de Mont-Sainte-Marie fit d'abord appel aux frères
convers chargés des tâches domestiques de la communauté.
Mais bien vite l'importance de Cessay oblige l'abbaye à amodier
(= louer) ses champs et ses prés ainsi qu'une partie de la Grange
de Cessay.
Le premier granger est cité dans un acte de 1447. Il s'agit d'Huguenin
Monnier, originaire de Mouthe. À chaque amodiation, des conditions
sont imposées aux grangers comme par exemple en 1547 :
-
Le droit d'usage pour les grangers dans les bois banaux des seigneuries
de Nozeroy, Chalamont et autres seigneuries des Chalon.
-
Le
droit d'usage dans les fontaines et ruisseaux de Boujailles.
-
Faire
chaque année un charroi de trois muids de vin depuis Salins
ou Montigny jusqu'à l'abbaye de Mont-Sainte-Marie ou payer
deux francs par an.
-
Fournir
des chandelles et du feu lors d'un séjour de l'abbé
ou de ses serviteurs à Cessay.
-
Fournir
la litière pour les brebis, moutons et agneaux que l'abbé
aura à Cessay.
-
Entretenir
la citerne, le puits et les abreuvoirs de Cessay.
Entre
le village de Frasne et la Grange de Cessay, les problèmes de
voisinage furent nombreux comme en témoignent les différends
qui, entre les 15e et 18e siècles, opposèrent Frasne et
l'abbaye de Mont-Sainte-Marie et ses grangers de Cessay. Citons pour
mémoire quelques lieux-dits à l'origine des litiges :
" la pièce des murets ", " le pré du pois
", " le pré du moulin ", " le champ des déserts
". Ces terrains ont nécessité plusieurs transactions
(1540, 1678). Mais trop de propriétés restaient indivises
pour que la bonne entente s'installe.
Une convention de 1739 devait malgré tout clore toute discussion
pendant de longues années. Mais, un demi-siècle plus tard,
la tourmente révolutionnaire sévit : les biens ecclésiastiques
sont confisqués et mis en vente ; le territoire de Cessay est
adjugé pour un prix dérisoire.
Cessay, de la Révolution à aujourd'hui
Le
23 juillet 1792, le domaine de Cessay fut adjugé pour 177 000
livres à près de 30 personnes. Mais les adjudicataires
procédèrent à de nombreuses subrogations. La plus
grande partie du domaine de Cessay revint aux familles Alix et Pioton.
Le 18 juillet 1822, les Alix vendent un quart de la Grange de Cessay
à une famille Mermot. Mais très vite des difficultés
surgissent entre les Alix et les Mermot, d'une part, et les communes
de Frasne et de Dompierre, d'autre part, ce qui devait conduire à
des procès.
Au 19e siècle, en plus de la chapelle, il restait deux fermes
: la ferme du Bas et la ferme du Haut.
La ferme du Bas fut détruite par un incendie le 17 avril 1872.
Elle sera reconstruite et à nouveau la proie des flammes le 23
octobre 1943 alors qu'elle est occupée par la famille Agile Vernerey.
Un hangar agricole est aujourd'hui construit sur son emplacement. Le
13 juillet 1957, le Conseil municipal de Boujailles se porte acquéreur
du domaine de la ferme du Bas avec presque 150 ha de terrains pour la
somme de 19 570 000 francs.
Quant à la ferme du Haut, avec 60 ha de terrain, elle fut achetée
par la commune de Frasne le 25 janvier 1955 pour la somme de 6 854 057
francs. Les agriculteurs fondèrent en 1961 la Société
coopérative de pâturage de Frasne afin de gérer
l'ensemble des communaux dont ceux de Cessay.
Le dernier fermier de la ferme du Haut, Auguste Jay, a quitté
la ferme en 1957. La ferme sert alors de loge pour le bétail
et de remise pour le matériel des agriculteurs.
Après les élections municipales de mars 1971, la nouvelle
équipe s'attacha à développer certains atouts du
village, et c'est ainsi que, sous l'impulsion de M. Claude Girard, conseiller
municipal, une équipe de jeunes s'emploie à faire revivre
le logement de la ferme pour y installer le relais de ski de fond.
Toujours
avec M. Girard et la société de chasse, une installation
de ball-trap fut réalisée à Cessay avec l'autorisation
de la commune de Boujailles. Ce fut un cadre exceptionnel pour l'organisation
de plusieurs fêtes du tir.
La ferme sera ensuite louée aux particuliers pour leurs fêtes
de familles et le Club des Jeunes de Frasne organisera des fêtes
champêtres avant de créer le festival de Cessay en 1981
avec l'A.P.E.A. (Association pour la Promotion de l'Expression Amateur).
Le Comité des Fêtes organisera aussi des expositions sur
le thème de l'histoire du village.
Mais, dans la nuit du 29 au 30 avril 1993, la ferme est victime d'un
orage. Toute la partie habitation est détruite. Le Conseil municipal,
sous la présidence de Lucien Bôle et après avoir
pris l'avis des représentants du monde associatif et des différentes
commissions, décide de ne pas démolir la ferme et de reconstruire
la partie incendiée sans toutefois refaire l'ancien logement.
Une salle de convivialité est alors prévue pour être
mise à la disposition des habitants.
En
1997, le Conseil décide de louer à un particulier pour
la création d'une auberge. Mais après le décès
de l'aubergiste, le conseil reprend en charge la gestion de la ferme
avec le concours du Comité des Fêtes pour, à nouveau,
la mettre à disposition des familles et des associations. Depuis
2002, Cessay est devenu le lieu de rendez-vous des mercredis d'accueil
en été.
En 2003, le Conseil municipal reçoit favorablement le projet
des jeunes de vouloir reconstruire le parcours sportif détruit
lors de la tempête de 1999.
Le site de Cessay est retenu avec les trois parcelles de bois qui ont
été plantées juste après l'achat de la ferme
par la commune en 1955.
Aujourd'hui, avec la création de l'ESPACE CESSAY, une nouvelle
page de l'histoire de ce lieu s'écrit.
*
* * * * * * * * * * * * * *
Une
exposition permanente dans la salle de convivialité de la ferme
de Cessay et le livre " La Grange
de Cessay à Frasne " (publié en 2000), de Michel
Renaud, permettent de revivre l'histoire de Cessay.
Voyez
aussi la page La ferme de Cessay (patrimoine).
|