Vous êtes sur le site du village de Frasne dans le Doubs
Accueil
Histoire de Frasne

LE GÉNÉRAL ADOLPHE GIROD
(1872-1933)

Léon Adolphe Girod est né aux Verrières (canton de Neuchâtel en Suisse) le 13 août 1872 à 11 heures. Issu d'une famille de sept enfants, il était le fils de Jean Claude Fortuné Girod (né à Boujailles le 28 octobre 1829 et décédé à Frasne le 14 novembre 1890) et de Marie Amélie Belle (née à Supt dans le Jura le 11 avril 1840 et décédée à Frasne le 24 août 1916).
Son père, qui était cultivateur à la ferme de la Vessoye près de Boujailles, était parti s'installer aux Verrières (Suisse), où il était " commis négociant ", puis, en 1874, il était venu se fixer à Frasne où il fut maître d'hôtel jusqu'à sa mort en 1890. Sa veuve tint l'hôtel jusqu'en 1893.
Ecolier studieux, il obtient une bourse à neuf ans et entre au Collège de Pontarlier où il passe brillamment quelques années plus tard les première et deuxième parties des baccalauréats ès sciences et ès lettres.
Malgré la mort de son père, en novembre 1890. qui interrompt ses études au Lycée de Besançon, il est reçu à Saint-Cyr en 1892 avec le n° 213. Il en sort sous-lieutenant en 1894, 77e sur 450, 73e en instruction générale et le 2e en instruction militaire.
Après avoir montré ses brillantes qualités d'officier à Roanne au 98e Régiment d'Infanterie, de 1894 à 1896, il donne sa démission de lieutenant en novembre 1896. Cette démission était consécutive à la décision du ministre de la Guerre qui avait refusé à Adolphe Girod l'autorisation de se marier avec une jeune fille de Roanne, Alexandrine Françoise Balouzet. Raison invoquée par l'armée : " la famille dans laquelle il veut entrer manque d'honorabilité ". Dans sa lettre de démission datée du 29 septembre 1896, Adolphe Girod écrit : " malgré l'honnêteté bien reconnue de ma fiancée, et aussi de toute sa famille actuelle, on lui refuse le droit d'épouser un militaire, en faisant rejaillir sur elle la responsabilité de négligences commerciales commises il y a 13 ans, par un père mort en 1894, et dont j'aurais été heureux de voir respecter la mémoire ". Son supérieur hiérarchique, le colonel Aubron, dépeint alors Adolphe Girod comme " un très bon officier duquel il n'y a que des éloges à faire et qui, par ses qualités militaires, paraît avoir beaucoup d'avenir ". Après sa démission, il se consacre au journalisme. Adolphe Girod entre à la rédaction du " Progrès de Lyon " ; il y conduit des enquêtes délicates, aux heures difficiles où l'effervescence se manifestait dans les centres du Creusot, de Montceau-les-Mines, de Saint-Etienne et de Cluses. Il écrit des articles très documentés qui le mettent en vedette et lui font une place marquée dans cette profession. Il suit également à Rennes les retentissants débats du procès en révision du Colonel Dreyfus. Il collabora aussi au " Petit Parisien ", au " Matin ", à " La France Militaire ", à " L'Air " et à " L'Aviation Française ".
Quelques années plus tard (en 1906), les républicains de l'arrondissement de Pontarlier arrachent Adolphe Girod au journalisme pour le lancer dans l'arène politique. Il a 34 ans lorsque, désigné à l'unanimité par les groupements de la circonscription, il se présente, comme radical, contre M. Georges Grosjean, député sortant aux idées nationalistes, et entre au Palais-Bourbon avec 6 820 voix contre 6 105 à son compétiteur. En 1910, la majorité d'Adolphe Girod passe à 7 520 voix contre 5 135 à M. Xavier de Magallon, publiciste, conservateur. Il est alors le " candidat de la Démocratie Ouvrière et Paysanne ".
Le 26 mars 1911, il se présente au Conseil général dans le canton de Montbenoit et est élu par 813 voix contre 807 à M. Antoine Saillard.
Lors des élections législatives du 26 avril 1914, il est à nouveau réélu. Il obtient 6 520 voix alors que le candidat " réactionnaire " Alfred Maire, marchand de vins et maire de Labergement-Sainte-Marie, recueille 5 512 voix et qu'un autre candidat de gauche, Jouchoux, rassemble 322 voix sous son nom.
En juin 1914, il est élu secrétaire de la Chambre des Députés par 346 voix sur 397 votants. Réélu au même poste en 1915 par 314 voix sur 315 et en 1916 par 292 voix sur 309.
En août 1914, bien que dispensé de servir aux armées par son mandat parlementaire il part en Alsace et peu après vient servir la cause de l'aviation qu'il avait chaleureusement défendue par la parole et par l'exemple depuis 1908.
Il est réélu député du Doubs le 16 novembre 1919 sur une liste d' " Union démocratique ". Entre-temps, il abandonne le siège de conseiller général du canton de Montbenoit pour se présenter dans le canton de Morteau où il est élu en 1919. Il détint le mandat de conseiller général dans ce canton jusqu'en 1928.
Le 9 janvier 1921, il se présente aux élections sénatoriales sur la " liste d'Union démocratique " avec Alexandre Grosjean (sénateur sortant, ancien maire de Besançon et conseiller général) et Félix Bougeot (maire de Baume-les-Dames et conseiller général) mais tous les trois, ainsi qu'un candidat républicain indépendant, Léon Jouffroy, sont battus par le sénateur sortant Maurice Ordinaire, le député René de Moustier et l'industriel Gaston Japy, candidats de la " liste d'Union républicaine et d'entente démocratique et libérale " (droite libérale).
Maire de Frasne en 1922 à la suite du décès de son frère Charles, il obtient dans le village de son enfance, de sa jeunesse et de ses affections familiales, la réalisation de travaux publics importants dont le bienfait se perpétue.
Il est réélu député du Doubs en 1924, au scrutin de liste avec MM. Julien Durand et Roger Perronne. Il se présentait alors sur une liste du Cartel des gauches en tant que radical de tendance Herriot. La Chambre le nomme questeur, en juin 1924, par 281 voix sur 469 votants ; en janvier 1925, par 342 voix sur 455 votants ; en 1926, par 378 voix sur 422 votants ; en 1927, par 379 voix sur 417 votants ; en 1928, par 308 voix sur 344 votants.
En 1928, trahi, blessé dans l'ombre par l'un de ceux qu'il avait conduits à l'honneur quelques années auparavant, l'homme de bien qui avait consacré vingt-deux ans de sa vie à lutter au Parlement pour le seul intérêt de son pays et de ses amis, se retirait volontairement de la vie politique. Dans son éditorial publié dans le Journal de Pontarlier du 11 novembre 1933, Maurice Brenet, écrit : " Mais il y a les ingrats, ceux qui oublient vite les bienfaits rendus pour ne songer qu'à leurs rancunes personnelles. Après vingt-deux ans de Parlement, titulaire d'un glorieux passé militaire, Adolphe Girod devait constater avec crève-cœur que la reconnaissance est souvent éphémère. Certes, il avait autour de lui de nombreux et fidèles amis, il pouvait encore aller à la bataille avec assurance, mais les basses intrigues qui se nouaient dans l'ombre finirent par décourager cet homme si courageux ". En effet, pour les élections législatives de 1928, au cours desquelles le scrutin d'arrondissement avait été rétabli, A. Girod avait été désigné par le Congrès radical et radical-socialiste comme candidat dans la circonscription de Besançon-campagne, mais il refusa.
Un essai d'oubli à la Martinique où il est nommé trésorier-payeur en juillet 1928, étendit au-delà des mers l'estime et l'admiration qu'il suscitait partout sur son passage. Cinq ans devaient suffire à donner à sa blessure un effet définitif. Adolphe Girod, avec la sérénité du juste et la droiture du soldat, s'abandonnait au repos suprême après une longue lassitude, le 5 novembre 1933 à Saint-Mandé (Val-de-Marne) où il fut inhumé avant d'être ramené à Frasne dans le caveau familial le 15 septembre 1934.
Adolphe Girod avait épousé Alexandrine Françoise Balouzet, de Roanne, (dont il divorça) puis Marie Emilie Hortense Mayet (1877-1962), la mère de ses trois enfants, Paul Irénée (né à Lyon en 1904 et décédé à Paris en 1974), Charles (né à Lyon en 1905 et mort à Paris en 1970) et Jean-Claude (né à Saint-Mandé en 1913 et décédé à Vincennes en 1988).
Adolphe Girod était propriétaire d'une imprimerie à Pontarlier et possédait également l'hebdomadaire intitulé " Journal de Pontarlier " (sous-titre : " Feuille politique, littéraire, agricole et industrielle ").
Il était un " spécialiste " des discours lyriques et les journaux opposés à ses idées n'hésitaient d'ailleurs pas à le brocarder pour cela. Il fit de nombreuses interventions en faveur de ses concitoyens et n'hésitaient pas à les aider.

I. - LE PARLEMENTAIRE

Membre de la Chambre des Députés de 1906 à 1928 ; membre de la Commission d'hygiène publique en 1910 ; de la Commission supérieure de la Caisse nationale des retraites en 1915, de la Commission des douanes en 1922, de la Commission des marchés et spéculations en 1924, des programmes électoraux en 1925 et de la Commission de l'Armée dont il devient secrétaire, vice-président, et président par 26 voix contre 16 à M. Maginot.
Il fut membre du Conseil supérieur du Travail, secrétaire de la Chambre de 1914 à 1916, vice-président de la Chambre de 1915 à 1917, questeur de la Chambre de 1924 à 1928.
Son oeuvre régionale a eu pour objets principaux la défense de l'industrie horlogère, l'attribution de crédits de secours pour les victimes de calamités agricoles, pour la lutte contre le chômage, la réglementation des dispositions douanières particulières à la frontière franco-suisse ; les relations économiques avec la Suisse ; l'établissement de zones franches, la sauvegarde de nos règlements de protection forestière ; etc.
Il a provoqué ou soutenu des mesures humanitaires d'ordre général avant, pendant et après la guerre : aides aux soutiens de famille, aux aliénés ; fonctionnement des retraites ouvrières et paysannes ; législation internationale du travail ; journée de 8 heures et semaine anglaise ; demandé que le 1er Mai soit considéré comme fête nationale du travail ; électrification des campagnes.
A la Commission de l'Armée, il fit adopter des propositions de loi qu'il déposa, relatives à des causes qu'il fit presque toujours triompher : insigne pour les blessés de guerre, port de chevrons, brisques et fourragères ; permissionnaires évacués d'Orient ; indemnités aux permissionnaires du front ; solde des prisonniers de guerre ; publication au Journal officiel des belles citations ; transport à la charge de l'Etat des dépouilles des soldats morts pour la France ; pécule des familles des disparus.
Au point de vue aviation, il obtint l'établissement de primes de vols aux membres du personnel navigant de l'aéronautique, il défendit l'aéronautique militaire en général, les transports aériens, interdit le survol des agglomérations, etc. Il s'appliqua surtout à obtenir la création d'une commission de l'aéronautique, d'un sous-secrétariat et d'un ministère de l'Air. Il fut président du groupe de l'aviation qu'il conduisit sur les terrains et dans les grands centres aéronautiques.
En politique générale, il interpella ou prit part aux discussions sur des questions importantes : défense de l'industrie de l'absinthe (il protesta contre la loi du 16 mars 1915 interdisant la vente de l'absinthe) ; diplômes d'honneur aux victimes civiles de la guerre ; pénétration de la France en Mauritanie et dans l'Adrar ; réalisation d'économies et création d'une Caisse des pensions de guerre ; organisation des corps de sapeurs-pompiers, de douaniers, de la gendarmerie, de gardes des eaux et forêts ; commémoration annuelle de l'Armistice ; réparations de guerre ; mesures assurant la sincérité du vote dans les opérations électorales ; statut des sous-officiers de carrière, etc.

II. - LE SOLDAT

Engagé volontaire pour trois ans, le 17 octobre 1892, entre à l'Ecole de Saint-Cyr la même année, caporal le 25 août 1893, sous-lieutenant au 98e R.I. le 1er octobre 1894, lieutenant le 1er octobre 1896 ; démissionnaire le 3 novembre 1896.
Promu lieutenant de réserve au 158e R.I. le 29 mars 1897 ; capitaine de réserve le 25 juillet 1903 au 16e R.I. ; passé avec son grade au 158e R.I. le 22 janvier 1904 ; chef de bataillon au 59e R.I. territorial le 23 juin 1913.
Rappelé en activité à la mobilisation générale le 4 août 1914, arrive au corps le 5 août 1914 (en tant que chef d'un bataillon d'infanterie coloniale, il participe à la campagne d'Alsace) ; passe à l'Etat-Major du 7e corps d'armée comme observateur à la 4e Armée. Affecté comme adjoint du service de l'Aéronautique du Grand Quartier général le 9 septembre 1914 (il prend aussi part comme aviateur-observateur à la victoire de la Marne : repérage de la déviation vers l'est de l'armée du feld-maréchal allemand Alexander von Kluck) et désigné par le Général Joffre comme commandant du 1er groupe de bombardement le 19 septembre 1914 (Grâce aux bombardements efficaces sur les régiments de cavalerie allemands, il contribue au succès de Foch dans la " course à la mer " et sera cité à l'ordre de l'armée du Nord par Joffre en octobre 1914). Désigné comme chef du Service aéronautique du camp retranché de Paris le 12 octobre 1914 (Girod organise et assure la défense aérienne de Paris et du département de la Seine contre les attaques des avions allemands à partir du camp d'aviation du Bourget, alors appelé camp retranché de Paris). Directeur des Ecoles et dépôts d'aviation le 19 septembre 1915. Nommé lieutenant-colonel le 18 avril 1916. Inspecteur général des Ecoles et dépôts d'aviation le 7 mai 1916. Promu colonel le 25 avril 1918.
Mis en congé illimité de démobilisation le 21 juillet 1919. Affecté à l'Inspection technique de l'Aéronautique le 27 septembre 1920. Nommé général de brigade le 24 février 1926.
A servi pendant toute la guerre contre l'Allemagne, du 5 août 1914 au 21 juillet 1919 - 4 ans et 11 mois - sans toucher sa solde d'officier.
A reçu trois blessures : 1° Pendant la guerre, blessé et brûlé par chute d'avion en feu de 400 mètres, le 26 février 1915, à Corbeaulieu (Aisne) en allant effectuer un bombardement sur les positions ennemies ; 2° En service commandé, chute d'avion au Bourget en août 1915 ; 3° En août 1918, chute d'avion en service commandé à Frasne (Doubs) au départ d'un voyage d'épreuves semestrielles.
Cité à l'Ordre de l'Armée le 16 mai 1915 par le général Gallieni : " S'est dépensé sans compter dans ses fonctions de chef du Service aéronautique. A créé et organisé avec un zèle infatigable l'aviation du camp retranché de Paris et obtenu très rapidement les plus heureux résultats. Ayant été victime, le 26 février 1915, au cours d'une mission de bombardement, d'un grave accident d'aéroplane, n'a pas, malgré ses blessures, interrompu son service, donnant ainsi le plus bel exemple de courage et de dévouement. "
Inscrit au tableau spécial de Chevalier de la Légion d'honneur : " A effectué plusieurs reconnaissances à longue portée au-dessus de l'ennemi. Chef de groupe des escadrilles de bombardement, a obtenu des résultats remarquables, et n'a cessé de donner l'exemple en montant en avion dans des circonstances difficiles et périlleuses pour lancer des projectiles au-dessus de l'ennemi. " Cette citation date de novembre 1914. A. Girod fut nommé chevalier de la Légion d'honneur et décoré par le général Joffre lui-même qui lui dit : " Commandant Girod, car c'est au commandant que je remets cette croix, vous êtes de Pontarlier. J'ai passé une partie de ma jeunesse dans cette région, et j'en ai gardé un bon souvenir ". Joseph Joffre (1852-1931) faisait ici allusion à son séjour à Pontarlier lorsqu'il dirigea les travaux de modernisation de la défense du fort de Joux de 1879 à 1881. Le maréchal Joffre reviendra officiellement à Pontarlier les 9 et 10 septembre 1922. Sur le quai de la gare de cette ville, il sera accueilli, entre autres, par le député Girod qui l'invitera à Frasne dans sa maison familiale.
Officier de la Légion d'honneur le 25 décembre 1916 (Journal Officiel du 4 février 1917) ; commandeur de la Légion d'honneur le 10 juin 1920.
A reçu quatre témoignages officiels de satisfaction : du G.Q.G. le 7 octobre 1914, du Ministre de la Guerre les 29 juin 1916, 19 septembre 1917, 8 avril 1919. En outre, les gouvernements amis et alliés lui ont décerné, au cours de la guerre, les décorations de :
Commandeur de Sainte-Anne de Russie, de la Couronne d'Italie, de l'Ordre d'Aviz du Portugal, du Siam, du Soleil-Levant du Japon, du Nicham-Iftikar, de Grand officier de la Polonia-Restitua, de l'Ordre des Alaouites ; Officier de Kara-Georges de Serbie ; Chevalier de la Distinguished Service Medal des Etats-Unis (Croix remise par le Général Pershing en juin 1919).
Titulaire de la Médaille interalliée, commémorative de la guerre ; insigne des blessés de guerre, Officier d'académie.
A été admis à rentrer dans les cadres de l'active comme Colonel à titre définitif (lettre du Ministre de la Guerre n° 9 825 D. du 10 août 1917).
A refusé.

III. - LE MAIRE DE FRASNE

Succédant à son frère Charles qui était décédé le 20 octobre 1922 et qui avait été maire de Frasne pendant 18 ans (il fut élu maire pour la première fois le 15 mai 1904), Adolphe Girod dirigea de 1922 à 1929 la municipalité du village où il vécut depuis son enfance et où il voulut dormir de son dernier sommeil. Il fut élu maire le 17 décembre 1922 (11 votants, 3 bulletins nuls, 7 voix en sa faveur et 1 pour Louis Nicolet) et réélu le 17 mai 1925 (12 votants, 1 bulletin nul, 6 voix en sa faveur, 4 pour Louis Nicolet et 1 pour Léon Barthelet). Lors des élections municipales suivantes, Adolphe Girod était trésorier à la Martinique et ce fut Louis Nicolet qui lui succéda le 19 mai 1929.
Il était déjà intervenu efficacement au Parlement pour la réalisation de la ligne directe vers la Suisse : Frasne-Vallorbe et pour l'arrêt à Frasne des grands express du P.L.M. Il obtint les crédits nécessaires à la suppression de deux passages à niveau particulièrement dangereux et leur remplacement par deux ponts de pierre. Au point de vue de l'hygiène urbaine, il fit assurer les crédits nécessaires aux recherches et aux travaux qui ont permis à un village en proie a la sécheresse, d'assainir et de vivifier ses cultures, de le doter de l'installation de l'eau dans les maisons et de fontaines publiques.
La réalisation de ces travaux marque dans l'histoire de Frasne une date de laquelle le nom d'Adolphe Girod ne saurait se détacher.
Il s'efforça d'obtenir du Conseil municipal la décision d'installer un établissement de bains-douches, ce qui fut réalisé lorsque son départ à la Martinique lui fit abandonner la mairie.
Durant sa magistrature municipale, il mit toujours son esprit généreux au service de toutes les améliorations intéressant la collectivité, notamment l'installation des cloches électriques à l'église et d'importants travaux à la cure.

IV. - L'AVIATEUR

C'est dès les premiers essais des précurseurs qu'Adolphe Girod se passionne pour une découverte qui devait étonner le monde. Il assiste aux premiers vols des Frères Wright en 1903. Il reçoit les confidences attristées de Clément Ader dont, à titre d'ancien officier, il sait comprendre les déboires dans ses relations avec le Ministère de la Guerre. Il est de ceux qui suivent pas à pas les progrès des premiers réalisateurs. Il suit particulièrement et aide de toutes ses forces les constructeurs Hanriot et Junod à Pontarlier. Il participe à l'organisation de meetings aériens à Pontarlier, en particulier les " Grandes Journées d'aviation " des 2 et 3 juillet 1911 avec les aviateurs Junod, Hanriot et Obre. Il ne tarde pas à recevoir le baptême de l'air et à pratiquer le vol assidûment. Il fait un vol sur l'avion à stabilisation automatique Moreau encore mal au point.
Pégoud révèle bientôt la possibilité d'acrobaties sur le Blériot qui a traversé la Manche. Adolphe Girod, député, est l'un des tout premiers passagers à boucler la boucle avec lui.
Défenseur ardent de l'aviation au Parlement, il veut prouver par l'exemple l'intérêt de l'avion au service du pays. Son ami, le capitaine Barès, avec un Farman à stabilisateur avant, prépare un voyage à travers la France ; il part avec lui. Tous les jours, leurs amis angoissés attendaient une mauvaise nouvelle : à cette époque, les instruments de navigation n'existaient pas, les aéroplanes avaient peu de défense contre le mauvais temps et les dangers des régions montagneuses ; chaque jour, ils applaudissaient une nouvelle étape. Deux mille kilomètres furent couverts ainsi, en passant notamment par Pontarlier, Aix-les-Bains, Chambéry, Lyon, Nevers, Tours, Houlgate.
En 1913, un constructeur d'avant-garde, M. Robert Esnault-Pelterie (1881-1957), met à sa disposition, pour ses voyages de propagande, un monoplan de tourisme piloté par Molla. Il recommence le combat pour la bonne cause en faisant des conférences partout où il passe. Il donne le baptême de l'air à ses enfants à Soissons, en février 1914. Par arrêté en date du 5 mars 1914, il est nommé membre du Conseil supérieur de l'aéronautique militaire. En juillet de la même année, sur la plage d'Houlgate, où il vient d'atterrir, il dit au public l'imminence d'une guerre avec l'Allemagne et le rôle qu'y jouera l'aviation.


Il commande la première escadrille de bombardement dès les premiers jours de la guerre et réussit pleinement ses missions hasardeuses de bombardement. Il est des premiers à expérimenter, avec un courage auquel le grand savant rendra hommage, les dangereuses bombes à air liquide de Georges Claude.
En octobre 1914, il organise la défense aérienne du Camp retranché de Paris et arrête l'invasion des Taubes.
En février 1915, il fait une chute en flammes avec six bombes à bord, près de Compiègne. Bien que grièvement brûlé et blessé, il reprend son service après de longs mois de souffrance.
En août 1915, le colonel Girod apprend à piloter et obtient son brevet. En réalité, dès juin 1914, A. Girod avait commencé à Buc son apprentissage de pilote-aviateur. Durant sa convalescence, consécutive à l'accident d'avion de février 1915, il avait continué son entraînement de pilote sur un champ d'aviation du camp retranché de Paris et, à la fin du mois de juillet, avait passé, avec succès, les épreuves du brevet de pilote-aviateur.
Nommé Inspecteur général des écoles et dépôts d'aviation en août 1915, à un moment où la formation de nombreux pilotes devenait nécessaire et urgente, il organise, réorganise ou crée de toutes pièces les grandes écoles d'aviation qui, sous son impulsion vigoureuse et avertie, donnent l'incroyable rendement de 18 600 pilotes français et alliés formés pendant la guerre. Il a notamment organisé le camp d'aviation de Dijon-Longvic et créé ou réorganisé successivement les écoles d'aviation de Buc (Yvelines), Chartres (Eure-et-Loir), Étampes (Essonne), Le Crotoy (Somme), Tours (Indre-et-Loire), Avord (Cher), Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Istres (Bouches-du-Rhône), Cazaux (Gironde), Biscarosse (Landes) et l'école de chasse de Pau (Pyrénées-Atlantiques). En même temps, il décide la création dans les dépôts de Dijon, Lyon et Bordeaux de cours de perfectionnement en vue de la création de brevets de mécanicien et de monteur d'avions. Il fait tous ses déplacements en avion au cours de cette mission ; peu de pilotes de ces écoles évoquent aujourd'hui le souvenir de ces heures de fièvre sans ressentir encore la force de son exemple. C'est lui qui remet à Guynemer, à Dijon, le premier drapeau d'un régiment d'aviation.
Après la guerre, une lettre de félicitations lui est adressée par Georges Clémenceau :
Paris, 5 avril 1919.
Le Président du Conseil
à M. le colonel Girod, inspecteur général des écoles et dépôts d'aviation.

Je en veux pas vous laisser quitter l'armée sans vous adresser les félicitations les plus vives pour l'œuvre féconde que vous avez su mener à bien comme inspecteur général des écoles et dépôts d'aviation.
Grâce à votre esprit de patriotisme éclairé, à votre dévouement incessant, à l'exemple que vous avez donné aux pilotes et élèves-pilotes sous vos ordres, vous avez réussi à fournir tous les pilotes nécessaires aux besoins des armées.
Vous avez ainsi contribué efficacement à la victoire.
Je vous adresse à ce sujet le témoignage de ma satisfaction.

Pr le Président du Conseil, ministre de la Guerre,
et par ordre :
Le général chef de cabinet,
Mordacq.

L'armistice n'interrompt pas son activité de pilote ; il continue à voler au 34e d'aviation au Bourget ; il se documente sur notre aviation marchande en utilisant la plupart de ses lignes.
Membre de l'Aéro-Club de France, il continue à défendre de toutes ses forces à la Chambre le développement de notre réseau commercial aérien, le statut des aviateurs militaires, l'encouragement à l'aviation civile.
Il continue à soutenir et à féconder l'effort des hommes qu'il a découverts pendant la guerre et qui lui doivent d'être devenus des aviateurs : Nungesser, notamment, parmi ceux que nous avons perdus, et tant d'autres qui sont aujourd'hui des personnalités marquantes de notre aéronautique.
Pour seconder ses camarades victimes de la guerre, il fonde la société des " Ailes Brisées ", la caisse des " Héros de l'Air " et " l'Orphelinat de l'Aéronautique " pour venir en aide aux veuves et orphelins des aviateurs tombés au champ d'honneur.
Jusqu'à ses derniers jours, il aima et utilisa ces instruments d'évasion et de progrès que sont les avions.
Toute l'aviation garde envers lui une dette de reconnaissance.

V. - LE TRESORIER GENERAL

Nommé trésorier-payeur de la Martinique le 1er juillet 1928, il prend son service le 1er août suivant.
Particulièrement apprécié du gouverneur, M. Gerbinis, qui lui demandait souvent conseil dans des situations délicates ; vénéré du personnel des finances de la Colonie, adoré de tous, le général Girod a laissé à la Martinique un souvenir qu'exprime assez bien ce fait que, lorsque la nouvelle de sa mort parvint là-bas, une cérémonie religieuse à la Cathédrale de Fort-de-France fut organisée spontanément à sa mémoire ; les magasins fermèrent en signe de deuil.
Il avait créé à la Martinique un aéro-club qui fonctionna tant qu'il put s'en occuper efficacement. Deux avions furent envoyés à Fort-de-France, des cours de mécaniciens et de T.S.F. organisés, des conférences y furent données.
Obligé de revenir plusieurs fois en France au cours de ses cinq années de colonie, pour y soigner ses reins que l'accident de 1915 avait abîmés, il ne retrouvait jamais le pays, pour lequel il avait tant travaillé et qu'il aimait d'un amour infatigable, sans en chanter la beauté et sans en faire ressentir autour de lui le prestige et la grandeur.
Il sut être aimé là-bas selon sa véritable personnalité, c'est-à-dire aussi bien des petits que des grands, des noirs que des blancs, et sans qu'une restriction de nuance politique ou de conviction religieuse puisse atteindre au niveau de l'amitié profonde et du respect qu'inspiraient irrésistiblement sa personne, son oeuvre et l'esprit juste et bon qui a marqué son passage à la Trésorerie de Fort-de-France et dans la colonie tout entière.

(Extrait du livre "Frasne : Mémoires d'ici")

Haut de la page