LE
GÉNÉRAL ADOLPHE GIROD
(1872-1933)
Léon
Adolphe Girod est né aux Verrières (canton de Neuchâtel
en Suisse) le 13 août 1872 à 11 heures. Issu d'une famille
de sept enfants, il était le fils de Jean Claude Fortuné
Girod (né à Boujailles le 28 octobre 1829 et décédé
à Frasne le 14 novembre 1890) et de Marie Amélie Belle
(née à Supt dans le Jura le 11 avril 1840 et décédée
à Frasne le 24 août 1916).
Son père, qui était cultivateur à la ferme de
la Vessoye près de Boujailles, était parti s'installer
aux Verrières (Suisse), où il était " commis
négociant ", puis, en 1874, il était venu se fixer
à Frasne où il fut maître d'hôtel jusqu'à
sa mort en 1890. Sa veuve tint l'hôtel jusqu'en 1893.
Ecolier studieux, il obtient une bourse à neuf ans et entre
au Collège de Pontarlier où il passe brillamment quelques
années plus tard les première et deuxième parties
des baccalauréats ès sciences et ès lettres.
Malgré la mort de son père, en novembre 1890. qui interrompt
ses études au Lycée de Besançon, il est reçu
à Saint-Cyr en 1892 avec le n° 213. Il en sort sous-lieutenant
en 1894, 77e sur 450, 73e en instruction générale et
le 2e en instruction militaire.
Après avoir montré ses brillantes qualités d'officier
à Roanne au 98e Régiment d'Infanterie, de 1894 à
1896, il donne sa démission de lieutenant en novembre 1896.
Cette démission était consécutive à la
décision du ministre de la Guerre qui avait refusé à
Adolphe Girod l'autorisation de se marier avec une jeune fille de
Roanne, Alexandrine Françoise Balouzet. Raison invoquée
par l'armée : " la famille dans laquelle il veut entrer
manque d'honorabilité ". Dans sa lettre de démission
datée du 29 septembre 1896, Adolphe Girod écrit : "
malgré l'honnêteté bien reconnue de ma fiancée,
et aussi de toute sa famille actuelle, on lui refuse le droit d'épouser
un militaire, en faisant rejaillir sur elle la responsabilité
de négligences commerciales commises il y a 13 ans, par un
père mort en 1894, et dont j'aurais été heureux
de voir respecter la mémoire ". Son supérieur hiérarchique,
le colonel Aubron, dépeint alors Adolphe Girod comme "
un très bon officier duquel il n'y a que des éloges
à faire et qui, par ses qualités militaires, paraît
avoir beaucoup d'avenir ". Après sa démission,
il se consacre au journalisme. Adolphe Girod entre à la rédaction
du " Progrès de Lyon " ; il y conduit des enquêtes
délicates, aux heures difficiles où l'effervescence
se manifestait dans les centres du Creusot, de Montceau-les-Mines,
de Saint-Etienne et de Cluses. Il écrit des articles très
documentés qui le mettent en vedette et lui font une place
marquée dans cette profession. Il suit également à
Rennes les retentissants débats du procès en révision
du Colonel Dreyfus. Il collabora aussi au " Petit Parisien ",
au " Matin ", à " La France Militaire ",
à " L'Air " et à " L'Aviation Française
".
Quelques années plus tard (en 1906), les républicains
de l'arrondissement de Pontarlier arrachent Adolphe Girod au journalisme
pour le lancer dans l'arène politique. Il a 34 ans lorsque,
désigné à l'unanimité par les groupements
de la circonscription, il se présente, comme radical, contre
M. Georges Grosjean, député sortant aux idées
nationalistes, et entre au Palais-Bourbon avec 6 820 voix contre 6
105 à son compétiteur. En 1910, la majorité d'Adolphe
Girod passe à 7 520 voix contre 5 135 à M. Xavier de
Magallon, publiciste, conservateur. Il est alors le " candidat
de la Démocratie Ouvrière et Paysanne ".
Le 26 mars 1911, il se présente au Conseil général
dans le canton de Montbenoit et est élu par 813 voix contre
807 à M. Antoine Saillard.
Lors des élections législatives du 26 avril 1914, il
est à nouveau réélu. Il obtient 6 520 voix alors
que le candidat " réactionnaire " Alfred Maire, marchand
de vins et maire de Labergement-Sainte-Marie, recueille 5 512 voix
et qu'un autre candidat de gauche, Jouchoux, rassemble 322 voix sous
son nom.
En juin 1914, il est élu secrétaire de la Chambre des
Députés par 346 voix sur 397 votants. Réélu
au même poste en 1915 par 314 voix sur 315 et en 1916 par 292
voix sur 309.
En août 1914, bien que dispensé de servir aux armées
par son mandat parlementaire il part en Alsace et peu après
vient servir la cause de l'aviation qu'il avait chaleureusement défendue
par la parole et par l'exemple depuis 1908.
Il est réélu député du Doubs le 16 novembre
1919 sur une liste d' " Union démocratique ". Entre-temps,
il abandonne le siège de conseiller général du
canton de Montbenoit pour se présenter dans le canton de Morteau
où il est élu en 1919. Il détint le mandat de
conseiller général dans ce canton jusqu'en 1928.
Le 9 janvier 1921, il se présente aux élections sénatoriales
sur la " liste d'Union démocratique " avec Alexandre
Grosjean (sénateur sortant, ancien maire de Besançon
et conseiller général) et Félix Bougeot (maire
de Baume-les-Dames et conseiller général) mais tous
les trois, ainsi qu'un candidat républicain indépendant,
Léon Jouffroy, sont battus par le sénateur sortant Maurice
Ordinaire, le député René de Moustier et l'industriel
Gaston Japy, candidats de la " liste d'Union républicaine
et d'entente démocratique et libérale " (droite
libérale).
Maire de Frasne en 1922 à la suite du décès de
son frère Charles, il obtient dans le village de son enfance,
de sa jeunesse et de ses affections familiales, la réalisation
de travaux publics importants dont le bienfait se perpétue.
Il est réélu député du Doubs en 1924,
au scrutin de liste avec MM. Julien Durand et Roger Perronne. Il se
présentait alors sur une liste du Cartel des gauches en tant
que radical de tendance Herriot. La Chambre le nomme questeur, en
juin 1924, par 281 voix sur 469 votants ; en janvier 1925, par 342
voix sur 455 votants ; en 1926, par 378 voix sur 422 votants ; en
1927, par 379 voix sur 417 votants ; en 1928, par 308 voix sur 344
votants.
En 1928, trahi, blessé dans l'ombre par l'un de ceux qu'il
avait conduits à l'honneur quelques années auparavant,
l'homme de bien qui avait consacré vingt-deux ans de sa vie
à lutter au Parlement pour le seul intérêt de
son pays et de ses amis, se retirait volontairement de la vie politique.
Dans son éditorial publié dans le Journal de Pontarlier
du 11 novembre 1933, Maurice Brenet, écrit : " Mais il
y a les ingrats, ceux qui oublient vite les bienfaits rendus pour
ne songer qu'à leurs rancunes personnelles. Après vingt-deux
ans de Parlement, titulaire d'un glorieux passé militaire,
Adolphe Girod devait constater avec crève-cur que la
reconnaissance est souvent éphémère. Certes,
il avait autour de lui de nombreux et fidèles amis, il pouvait
encore aller à la bataille avec assurance, mais les basses
intrigues qui se nouaient dans l'ombre finirent par décourager
cet homme si courageux ". En effet, pour les élections
législatives de 1928, au cours desquelles le scrutin d'arrondissement
avait été rétabli, A. Girod avait été
désigné par le Congrès radical et radical-socialiste
comme candidat dans la circonscription de Besançon-campagne,
mais il refusa.
Un essai d'oubli à la Martinique où il est nommé
trésorier-payeur en juillet 1928, étendit au-delà
des mers l'estime et l'admiration qu'il suscitait partout sur son
passage. Cinq ans devaient suffire à donner à sa blessure
un effet définitif. Adolphe Girod, avec la sérénité
du juste et la droiture du soldat, s'abandonnait au repos suprême
après une longue lassitude, le 5 novembre 1933 à Saint-Mandé
(Val-de-Marne) où il fut inhumé avant d'être ramené
à Frasne dans le caveau familial le 15 septembre 1934.
Adolphe Girod avait épousé Alexandrine Françoise
Balouzet, de Roanne, (dont il divorça) puis Marie Emilie Hortense
Mayet (1877-1962), la mère de ses trois enfants, Paul Irénée
(né à Lyon en 1904 et décédé à
Paris en 1974), Charles (né à Lyon en 1905 et mort à
Paris en 1970) et Jean-Claude (né à Saint-Mandé
en 1913 et décédé à Vincennes en 1988).
Adolphe Girod était propriétaire d'une imprimerie à
Pontarlier et possédait également l'hebdomadaire intitulé
" Journal de Pontarlier " (sous-titre : " Feuille politique,
littéraire, agricole et industrielle ").
Il était un " spécialiste " des discours lyriques
et les journaux opposés à ses idées n'hésitaient
d'ailleurs pas à le brocarder pour cela. Il fit de nombreuses
interventions en faveur de ses concitoyens et n'hésitaient
pas à les aider.
I.
- LE PARLEMENTAIRE
Membre
de la Chambre des Députés de 1906 à 1928 ; membre
de la Commission d'hygiène publique en 1910 ; de la Commission
supérieure de la Caisse nationale des retraites en 1915, de
la Commission des douanes en 1922, de la Commission des marchés
et spéculations en 1924, des programmes électoraux en
1925 et de la Commission de l'Armée dont il devient secrétaire,
vice-président, et président par 26 voix contre 16 à
M. Maginot.
Il fut membre du Conseil supérieur du Travail, secrétaire
de la Chambre de 1914 à 1916, vice-président de la Chambre
de 1915 à 1917, questeur de la Chambre de 1924 à 1928.
Son oeuvre régionale a eu pour objets principaux la défense
de l'industrie horlogère, l'attribution de crédits de
secours pour les victimes de calamités agricoles, pour la lutte
contre le chômage, la réglementation des dispositions
douanières particulières à la frontière
franco-suisse ; les relations économiques avec la Suisse ;
l'établissement de zones franches, la sauvegarde de nos règlements
de protection forestière ; etc.
Il a provoqué ou soutenu des mesures humanitaires d'ordre général
avant, pendant et après la guerre : aides aux soutiens de famille,
aux aliénés ; fonctionnement des retraites ouvrières
et paysannes ; législation internationale du travail ; journée
de 8 heures et semaine anglaise ; demandé que le 1er Mai soit
considéré comme fête nationale du travail ; électrification
des campagnes.
A la Commission de l'Armée, il fit adopter des propositions
de loi qu'il déposa, relatives à des causes qu'il fit
presque toujours triompher : insigne pour les blessés de guerre,
port de chevrons, brisques et fourragères ; permissionnaires
évacués d'Orient ; indemnités aux permissionnaires
du front ; solde des prisonniers de guerre ; publication au Journal
officiel des belles citations ; transport à la charge de l'Etat
des dépouilles des soldats morts pour la France ; pécule
des familles des disparus.
Au point de vue aviation, il obtint l'établissement de primes
de vols aux membres du personnel navigant de l'aéronautique,
il défendit l'aéronautique militaire en général,
les transports aériens, interdit le survol des agglomérations,
etc. Il s'appliqua surtout à obtenir la création d'une
commission de l'aéronautique, d'un sous-secrétariat
et d'un ministère de l'Air. Il fut président du groupe
de l'aviation qu'il conduisit sur les terrains et dans les grands
centres aéronautiques.
En politique générale, il interpella ou prit part aux
discussions sur des questions importantes : défense de l'industrie
de l'absinthe (il protesta contre la loi du 16 mars 1915 interdisant
la vente de l'absinthe) ; diplômes d'honneur aux victimes civiles
de la guerre ; pénétration de la France en Mauritanie
et dans l'Adrar ; réalisation d'économies et création
d'une Caisse des pensions de guerre ; organisation des corps de sapeurs-pompiers,
de douaniers, de la gendarmerie, de gardes des eaux et forêts
; commémoration annuelle de l'Armistice ; réparations
de guerre ; mesures assurant la sincérité du vote dans
les opérations électorales ; statut des sous-officiers
de carrière, etc.
II.
- LE SOLDAT
Engagé
volontaire pour trois ans, le 17 octobre 1892, entre à l'Ecole
de Saint-Cyr la même année, caporal le 25 août
1893, sous-lieutenant au 98e R.I. le 1er octobre 1894, lieutenant
le 1er octobre 1896 ; démissionnaire le 3 novembre 1896.
Promu lieutenant de réserve au 158e R.I. le 29 mars 1897 ;
capitaine de réserve le 25 juillet 1903 au 16e R.I. ; passé
avec son grade au 158e R.I. le 22 janvier 1904 ; chef de bataillon
au 59e R.I. territorial le 23 juin 1913.
Rappelé en activité à la mobilisation générale
le 4 août 1914, arrive au corps le 5 août 1914 (en tant
que chef d'un bataillon d'infanterie coloniale, il participe à
la campagne d'Alsace) ; passe à l'Etat-Major du 7e corps d'armée
comme observateur à la 4e Armée. Affecté comme
adjoint du service de l'Aéronautique du Grand Quartier général
le 9 septembre 1914 (il prend aussi part comme aviateur-observateur
à la victoire de la Marne : repérage de la déviation
vers l'est de l'armée du feld-maréchal allemand Alexander
von Kluck) et désigné par le Général Joffre
comme commandant du 1er groupe de bombardement le 19 septembre 1914
(Grâce aux bombardements efficaces sur les régiments
de cavalerie allemands, il contribue au succès de Foch dans
la " course à la mer " et sera cité à
l'ordre de l'armée du Nord par Joffre en octobre 1914). Désigné
comme chef du Service aéronautique du camp retranché
de Paris le 12 octobre 1914 (Girod organise et assure la défense
aérienne de Paris et du département de la Seine contre
les attaques des avions allemands à partir du camp d'aviation
du Bourget, alors appelé camp retranché de Paris). Directeur
des Ecoles et dépôts d'aviation le 19 septembre 1915.
Nommé lieutenant-colonel le 18 avril 1916. Inspecteur général
des Ecoles et dépôts d'aviation le 7 mai 1916. Promu
colonel le 25 avril 1918.
Mis en congé illimité de démobilisation le 21
juillet 1919. Affecté à l'Inspection technique de l'Aéronautique
le 27 septembre 1920. Nommé général de brigade
le 24 février 1926.
A servi pendant toute la guerre contre l'Allemagne, du 5 août
1914 au 21 juillet 1919 - 4 ans et 11 mois - sans toucher sa solde
d'officier.
A reçu trois blessures : 1° Pendant la guerre, blessé
et brûlé par chute d'avion en feu de 400 mètres,
le 26 février 1915, à Corbeaulieu (Aisne) en allant
effectuer un bombardement sur les positions ennemies ; 2° En service
commandé, chute d'avion au Bourget en août 1915 ; 3°
En août 1918, chute d'avion en service commandé à
Frasne (Doubs) au départ d'un voyage d'épreuves semestrielles.
Cité à l'Ordre de l'Armée le 16 mai 1915 par
le général Gallieni : " S'est dépensé
sans compter dans ses fonctions de chef du Service aéronautique.
A créé et organisé avec un zèle infatigable
l'aviation du camp retranché de Paris et obtenu très
rapidement les plus heureux résultats. Ayant été
victime, le 26 février 1915, au cours d'une mission de bombardement,
d'un grave accident d'aéroplane, n'a pas, malgré ses
blessures, interrompu son service, donnant ainsi le plus bel exemple
de courage et de dévouement. "
Inscrit au tableau spécial de Chevalier de la Légion
d'honneur : " A effectué plusieurs reconnaissances à
longue portée au-dessus de l'ennemi. Chef de groupe des escadrilles
de bombardement, a obtenu des résultats remarquables, et n'a
cessé de donner l'exemple en montant en avion dans des circonstances
difficiles et périlleuses pour lancer des projectiles au-dessus
de l'ennemi. " Cette citation date de novembre 1914. A. Girod
fut nommé chevalier de la Légion d'honneur et décoré
par le général Joffre lui-même qui lui dit : "
Commandant Girod, car c'est au commandant que je remets cette croix,
vous êtes de Pontarlier. J'ai passé une partie de ma
jeunesse dans cette région, et j'en ai gardé un bon
souvenir ". Joseph Joffre (1852-1931) faisait ici allusion à
son séjour à Pontarlier lorsqu'il dirigea les travaux
de modernisation de la défense du fort de Joux de 1879 à
1881. Le maréchal Joffre reviendra officiellement à
Pontarlier les 9 et 10 septembre 1922. Sur le quai de la gare de cette
ville, il sera accueilli, entre autres, par le député
Girod qui l'invitera à Frasne dans sa maison familiale.
Officier de la Légion d'honneur le 25 décembre 1916
(Journal Officiel du 4 février 1917) ; commandeur de la Légion
d'honneur le 10 juin 1920.
A reçu quatre témoignages officiels de satisfaction
: du G.Q.G. le 7 octobre 1914, du Ministre de la Guerre les 29 juin
1916, 19 septembre 1917, 8 avril 1919. En outre, les gouvernements
amis et alliés lui ont décerné, au cours de la
guerre, les décorations de :
Commandeur de Sainte-Anne de Russie, de la Couronne d'Italie, de l'Ordre
d'Aviz du Portugal, du Siam, du Soleil-Levant du Japon, du Nicham-Iftikar,
de Grand officier de la Polonia-Restitua, de l'Ordre des Alaouites
; Officier de Kara-Georges de Serbie ; Chevalier de la Distinguished
Service Medal des Etats-Unis (Croix remise par le Général
Pershing en juin 1919).
Titulaire de la Médaille interalliée, commémorative
de la guerre ; insigne des blessés de guerre, Officier d'académie.
A été admis à rentrer dans les cadres de l'active
comme Colonel à titre définitif (lettre du Ministre
de la Guerre n° 9 825 D. du 10 août 1917).
A refusé.
III.
- LE MAIRE DE FRASNE
Succédant
à son frère Charles qui était décédé
le 20 octobre 1922 et qui avait été maire de Frasne
pendant 18 ans (il fut élu maire pour la première fois
le 15 mai 1904), Adolphe Girod dirigea de 1922 à 1929 la municipalité
du village où il vécut depuis son enfance et où
il voulut dormir de son dernier sommeil. Il fut élu maire le
17 décembre 1922 (11 votants, 3 bulletins nuls, 7 voix en sa
faveur et 1 pour Louis Nicolet) et réélu le 17 mai 1925
(12 votants, 1 bulletin nul, 6 voix en sa faveur, 4 pour Louis Nicolet
et 1 pour Léon Barthelet). Lors des élections municipales
suivantes, Adolphe Girod était trésorier à la
Martinique et ce fut Louis Nicolet qui lui succéda le 19 mai
1929.
Il était déjà intervenu efficacement au Parlement
pour la réalisation de la ligne directe vers la Suisse : Frasne-Vallorbe
et pour l'arrêt à Frasne des grands express du P.L.M.
Il obtint les crédits nécessaires à la suppression
de deux passages à niveau particulièrement dangereux
et leur remplacement par deux ponts de pierre. Au point de vue de
l'hygiène urbaine, il fit assurer les crédits nécessaires
aux recherches et aux travaux qui ont permis à un village en
proie a la sécheresse, d'assainir et de vivifier ses cultures,
de le doter de l'installation de l'eau dans les maisons et de fontaines
publiques.
La réalisation de ces travaux marque dans l'histoire de Frasne
une date de laquelle le nom d'Adolphe Girod ne saurait se détacher.
Il s'efforça d'obtenir du Conseil municipal la décision
d'installer un établissement de bains-douches, ce qui fut réalisé
lorsque son départ à la Martinique lui fit abandonner
la mairie.
Durant sa magistrature municipale, il mit toujours son esprit généreux
au service de toutes les améliorations intéressant la
collectivité, notamment l'installation des cloches électriques
à l'église et d'importants travaux à la cure.
IV. - L'AVIATEUR
C'est
dès les premiers essais des précurseurs qu'Adolphe Girod
se passionne pour une découverte qui devait étonner
le monde. Il assiste aux premiers vols des Frères Wright en
1903. Il reçoit les confidences attristées de Clément
Ader dont, à titre d'ancien officier, il sait comprendre les
déboires dans ses relations avec le Ministère de la
Guerre. Il est de ceux qui suivent pas à pas les progrès
des premiers réalisateurs. Il suit particulièrement
et aide de toutes ses forces les constructeurs Hanriot et Junod à
Pontarlier. Il participe à l'organisation de meetings aériens
à Pontarlier, en particulier les " Grandes Journées
d'aviation " des 2 et 3 juillet 1911 avec les aviateurs Junod,
Hanriot et Obre. Il ne tarde pas à recevoir le baptême
de l'air et à pratiquer le vol assidûment. Il fait un
vol sur l'avion à stabilisation automatique Moreau encore mal
au point.
Pégoud révèle bientôt la possibilité
d'acrobaties sur le Blériot qui a traversé la Manche.
Adolphe Girod, député, est l'un des tout premiers passagers
à boucler la boucle avec lui.
Défenseur ardent de l'aviation au Parlement, il veut prouver
par l'exemple l'intérêt de l'avion au service du pays.
Son ami, le capitaine Barès, avec un Farman à stabilisateur
avant, prépare un voyage à travers la France ; il part
avec lui. Tous les jours, leurs amis angoissés attendaient
une mauvaise nouvelle : à cette époque, les instruments
de navigation n'existaient pas, les aéroplanes avaient peu
de défense contre le mauvais temps et les dangers des régions
montagneuses ; chaque jour, ils applaudissaient une nouvelle étape.
Deux mille kilomètres furent couverts ainsi, en passant notamment
par Pontarlier, Aix-les-Bains, Chambéry, Lyon, Nevers, Tours,
Houlgate.
En 1913, un constructeur d'avant-garde, M. Robert Esnault-Pelterie
(1881-1957), met à sa disposition, pour ses voyages de propagande,
un monoplan de tourisme piloté par Molla. Il recommence le
combat pour la bonne cause en faisant des conférences partout
où il passe. Il donne le baptême de l'air à ses
enfants à Soissons, en février 1914. Par arrêté
en date du 5 mars 1914, il est nommé membre du Conseil supérieur
de l'aéronautique militaire. En juillet de la même année,
sur la plage d'Houlgate, où il vient d'atterrir, il dit au
public l'imminence d'une guerre avec l'Allemagne et le rôle
qu'y jouera l'aviation.
Il commande la première escadrille de bombardement dès
les premiers jours de la guerre et réussit pleinement ses missions
hasardeuses de bombardement. Il est des premiers à expérimenter,
avec un courage auquel le grand savant rendra hommage, les dangereuses
bombes à air liquide de Georges Claude.
En octobre 1914, il organise la défense aérienne du
Camp retranché de Paris et arrête l'invasion des Taubes.
En février 1915, il fait une chute en flammes avec six bombes
à bord, près de Compiègne. Bien que grièvement
brûlé et blessé, il reprend son service après
de longs mois de souffrance.
En août 1915, le colonel Girod apprend à piloter et obtient
son brevet. En réalité, dès juin 1914, A. Girod
avait commencé à Buc son apprentissage de pilote-aviateur.
Durant sa convalescence, consécutive à l'accident d'avion
de février 1915, il avait continué son entraînement
de pilote sur un champ d'aviation du camp retranché de Paris
et, à la fin du mois de juillet, avait passé, avec succès,
les épreuves du brevet de pilote-aviateur.
Nommé Inspecteur général des écoles et
dépôts d'aviation en août 1915, à un moment
où la formation de nombreux pilotes devenait nécessaire
et urgente, il organise, réorganise ou crée de toutes
pièces les grandes écoles d'aviation qui, sous son impulsion
vigoureuse et avertie, donnent l'incroyable rendement de 18 600 pilotes
français et alliés formés pendant la guerre.
Il a notamment organisé le camp d'aviation de Dijon-Longvic
et créé ou réorganisé successivement les
écoles d'aviation de Buc (Yvelines), Chartres (Eure-et-Loir),
Étampes (Essonne), Le Crotoy (Somme), Tours (Indre-et-Loire),
Avord (Cher), Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Istres (Bouches-du-Rhône),
Cazaux (Gironde), Biscarosse (Landes) et l'école de chasse
de Pau (Pyrénées-Atlantiques). En même temps,
il décide la création dans les dépôts de
Dijon, Lyon et Bordeaux de cours de perfectionnement en vue de la
création de brevets de mécanicien et de monteur d'avions.
Il fait tous ses déplacements en avion au cours de cette mission
; peu de pilotes de ces écoles évoquent aujourd'hui
le souvenir de ces heures de fièvre sans ressentir encore la
force de son exemple. C'est lui qui remet à Guynemer, à
Dijon, le premier drapeau d'un régiment d'aviation.
Après la guerre, une lettre de félicitations lui est
adressée par Georges Clémenceau :
Paris, 5 avril 1919.
Le Président du Conseil
à M. le colonel Girod, inspecteur général des
écoles et dépôts d'aviation.
Je
en veux pas vous laisser quitter l'armée sans vous adresser
les félicitations les plus vives pour l'uvre féconde
que vous avez su mener à bien comme inspecteur général
des écoles et dépôts d'aviation.
Grâce à votre esprit de patriotisme éclairé,
à votre dévouement incessant, à l'exemple que
vous avez donné aux pilotes et élèves-pilotes
sous vos ordres, vous avez réussi à fournir tous les
pilotes nécessaires aux besoins des armées.
Vous avez ainsi contribué efficacement à la victoire.
Je vous adresse à ce sujet le témoignage de ma satisfaction.
Pr le Président
du Conseil, ministre de la Guerre,
et par ordre :
Le général chef de cabinet,
Mordacq.
L'armistice
n'interrompt pas son activité de pilote ; il continue à
voler au 34e d'aviation au Bourget ; il se documente sur notre aviation
marchande en utilisant la plupart de ses lignes.
Membre de l'Aéro-Club de France, il continue à défendre
de toutes ses forces à la Chambre le développement de
notre réseau commercial aérien, le statut des aviateurs
militaires, l'encouragement à l'aviation civile.
Il continue à soutenir et à féconder l'effort
des hommes qu'il a découverts pendant la guerre et qui lui
doivent d'être devenus des aviateurs : Nungesser, notamment,
parmi ceux que nous avons perdus, et tant d'autres qui sont aujourd'hui
des personnalités marquantes de notre aéronautique.
Pour seconder ses camarades victimes de la guerre, il fonde la société
des " Ailes Brisées ", la caisse des " Héros
de l'Air " et " l'Orphelinat de l'Aéronautique "
pour venir en aide aux veuves et orphelins des aviateurs tombés
au champ d'honneur.
Jusqu'à ses derniers jours, il aima et utilisa ces instruments
d'évasion et de progrès que sont les avions.
Toute l'aviation garde envers lui une dette de reconnaissance.
V.
- LE TRESORIER GENERAL
Nommé
trésorier-payeur de la Martinique le 1er juillet 1928, il prend
son service le 1er août suivant.
Particulièrement apprécié du gouverneur, M. Gerbinis,
qui lui demandait souvent conseil dans des situations délicates
; vénéré du personnel des finances de la Colonie,
adoré de tous, le général Girod a laissé
à la Martinique un souvenir qu'exprime assez bien ce fait que,
lorsque la nouvelle de sa mort parvint là-bas, une cérémonie
religieuse à la Cathédrale de Fort-de-France fut organisée
spontanément à sa mémoire ; les magasins fermèrent
en signe de deuil.
Il avait créé à la Martinique un aéro-club
qui fonctionna tant qu'il put s'en occuper efficacement. Deux avions
furent envoyés à Fort-de-France, des cours de mécaniciens
et de T.S.F. organisés, des conférences y furent données.
Obligé de revenir plusieurs fois en France au cours de ses
cinq années de colonie, pour y soigner ses reins que l'accident
de 1915 avait abîmés, il ne retrouvait jamais le pays,
pour lequel il avait tant travaillé et qu'il aimait d'un amour
infatigable, sans en chanter la beauté et sans en faire ressentir
autour de lui le prestige et la grandeur.
Il sut être aimé là-bas selon sa véritable
personnalité, c'est-à-dire aussi bien des petits que
des grands, des noirs que des blancs, et sans qu'une restriction de
nuance politique ou de conviction religieuse puisse atteindre au niveau
de l'amitié profonde et du respect qu'inspiraient irrésistiblement
sa personne, son oeuvre et l'esprit juste et bon qui a marqué
son passage à la Trésorerie de Fort-de-France et dans
la colonie tout entière.
(Extrait
du livre "Frasne : Mémoires
d'ici")